Il n’y a pas très longtemps (mais si ) se déroulait le Lyon BD Festival 2017. Ne pouvant m’y rendre moi-même, j’ai mandaté notre chère N. pour aller quérir le tome 2 de Rouge à ma place (car chez Budum on sous-traite. Et on paie mal.). Et s’il me tarde de vous en parler, je vous propose d’abord de découvrir avec moi le coup de cœur que Madame N. a subrepticement glissé dans mon colis FestiBD. Car alors qu’elle se morfondait (c’est faux) pour moi au stand de chez Makaka, elle a fait une belle rencontre.
Il y a Gus, qui emménage seul avec sa mère dans ce coin perdu qu’il ne connaît pas. Il y a Charlotte, qui a perdu sa grand-mère et vit désormais seule parmi ces gens qui ne la connaissent pas.
Soudain Charlotte rêve. Sa main s’abat sur le mur et c’est un enchaînement de coïncidences, une réaction en chaîne sans précédent qui va bouleverser tout-es ceux-elles qui croiseront son chemin.
Un petit garçon, une grosse femme, Paris, et l’Odyssée commence.
Voici le récit de gens qui se croisent sans vraiment se voir
Charlotte et moi est une histoire apparemment simple et difficile à raconter, qui se tisse et glisse sous nos yeux. Olivier Clert travaille dans l’animation, et ça se voit. Le 7ème et le 9ème art s’emmêlent tout comme les solitudes des deux protagonistes. Mouvement et suspension, c’est ce qui pourrait le mieux décrire la narration.
Et bien sûr, je vais vous parler de Charlotte. Quel plaisir de contempler cette héroïne que personne ne connaît mais à propos de qui tous-tes ont quelque chose à dire ! Il n’y a pas de complaisance dans le trait, pas d’hypocrisie, ni d’artifices. Olivier Clert ne cherche pas à la victimiser ni à la rendre outrageusement mignonne ou comique. Charlotte est un gros personnage, mais elle n’est pas « le personnage de la grosse ». Elle est crédible et existe par elle même. Il me semble aussi qu’il y a beaucoup d’affection dans sa mise en situation. Une vraie tendresse sans condescendance pour une véritable personnalité.
Une séparation se dessine d’ailleurs entre la vie de Charlottes et l’idée que s’en font ses proches voisin-es. Leurs réactions sont variées et très justement dépeintes : préjugés, conjectures ; simples remarques, ni bonnes ni mauvaises mais rarement appropriées ; bienveillance toute naturelle… L’auteur est dans le vrai, et au-delà de la fiction, dans la vie. Quelques bribes de passé et une observation plus ou moins inquisitrice suffisent aux habitant-es du quartier pour composer l’histoire de Charlotte . Une forme de légende qui certes se nourrit de vérité, mais qui se heurte à la masse physique de la jeune femme. Le corps avant le cœur, comme dans la vraie vie.
Et ce que j’apprécie beaucoup, c’est que dans ce tome, on ne nous parle pas de beauté intérieure. Pas de scission entre le corps et l’esprit. Charlotte est formidable des deux points de vue. C’est vraiment plaisant de suivre les aventures de cette grosse femme et de ce petit garçon sans que la question du poids ne soit abordée en dehors des interactions (dont Charlotte est d’ailleurs très intelligemment exclue) entre les personnages secondaires. C’est très malin, et ça évite en plus cette sorte de jugement omniscient que je trouve désagréable dans la mise en scène des gros-ses
Lors de sa discussion avec N., Olivier Clert lui a confié qu’il souhaitait raconter l’histoire de personnes simples comme on pourrait en rencontrer partout. C’est une réussite pour moi. L’intrigue qui irrigue le récit (qui est la mère de Charlotte ? Vont-ilelles parvenir au bout de leur voyage ?), du domaine de la fiction classique, se nourrit de ces épisodes quotidiens et vice versa. Mouvement et suspension, réalité et aventure… un style que pour ma part j’ai trouvé fantastique.
Bon et bien, bravo monsieur Clert. Il me tarde de voir le prochain épisode…
Pour trouver Charlotte, c’est ici. Et je pense que c’est pour les jeunes, les vieux-lles, tout l’monde.
Charlotte et Moi, Olivier Clert, Makaka Editions, 2016.
J’en profite pour vous montrer la jolie dédicace 🙂
Halala non mais cette BD, c’est vraiment un énorme coup de coeur. J’ai hâte de faire dédicacer le tome deux 😛 Merci pour ce superbe article qui exprime exactement ce que j’en ai pensé !!