Il s’agit d’un petit roman à lire à partir de sept ou huit ans et autant de temps que le cœur vous en dit, et puisqu’on parle de cœur , et bien c’est le miens. De coup. De cœur. Tout ça.
Pour la petite histoire, celle-ci est écrite par Marie Vaudescal et illustrée par Magali Le Huche, responsable du fantastique et bordélique Non-Non. Magali le Huche est une auteure-illustratrice que j’adore d’autant plus depuis que j’ai lu le Chat d’Elsa, que je vous somme d’acheter pour vous et vos lardonnet-tes.
Princesse, dragon et autres salades, c’est une histoire de princesse, de dragon, et de salades non moins passionnantes. Scarole, en âge de se marier, attend de pied ferme le dragon censé l’enlever afin de permettre à un jeune prince du royaume de venir la délivrer, de vivre heureux et d’ avoir beaucoup d’enfant. Mais l’horrible caractère de la jeune fille est célèbre dans toute la contrée: le dragon ne pointe pas le moindre bout de narine -non par peur, mais par flemme. Scandalisée, Scarole organise son propre enlèvement et, accompagnée de ses désespérés domestiques, décide de se rendre elle-même chez Scorniscrom pour quérir excuses et explications.
Du point de vu de la forme, c’est bourré de jeux de mots débiles (« Calmant s’emporte »), de mots compliqués (aller, on répète dix fois Scorniscrom sans se tromper), de mots difficiles (quand on peut lire cynorhodon dès la première page je pars du principe qu’on se fout pas de la gueule de la /du marmot-te), et de mots rêveurs (qui n’a jamais rêvé d’arpenter la cordillère de l’Oursonne ou la plaine Camomille ?). Le texte est tout rigolo, accessible et très intelligent.
Le plus difficile est d’en parler sans trop en dire. Conditionnés que nous sommes par nos lectures précédentes, on prédit assez vite la suite du récit : Scarole épousera le sous-fifre chargé de trouver un prince pour la sauver (puisque tous refusent), mais après avoir été punie pour ses crises autoritaires, sa maladresse et son orthographe, avec en final un hymne à la tolérance du genre « dans le fond, elle a mauvais caractère parce qu’elle est mal dans sa peau, la pauvre. » et « un caractère exigeant ne trouvera jamais le bonheur, surtout quand on parle de filles »
Et bien pas du tout.
Princesse, Dragon…, c’est une histoire qui raconte que le mariage, c’est bien pour celles et ceux qui veulent, qu’avoir un caractère fort n’a rien de coupable et que si c’est d’aventure dont on a besoin, il ne faut pas hésiter à chausser ses rangers. Et ces découvertes ne sont ni enseignées par un sage, ni par un père, ni même par un dragon. Elles sont simplement le fruit des réflexions de Scarole elle-même, réflexions provoquées par un évènement qui la plongera dans le doute. Scarole prend ses décisions seule et sait les faire respecter, sans ignorer la voix de celui qui compte vraiment.
Le plus frappant, c’est que Marie Vaudescal parvient à nous dire une multitude de choses sans donner à son texte de tonalité militante. On a donc l’impression que tout coule de source, même si le cadre et les attitudes sont volontairement traditionnelles (ha ha !! j’ai enfin casé la règle de proximité). Scarole est une fille au caractère bien trempé, elle le reste. Sa route ne change pas, elle dévie vers ce qui finalement lui convient le mieux. La conception de la princesse est transformée sans être balayée.
Pas de pause moralisatrice, pas d’arrêt dans la narration pour expliquer tel ou tel concept d’identité. L’auteure arrive même à nous caser un petit passage qui nous dit sans en avoir l’air qu’une étrangeté physique, involontaire ou non, n’est jamais motif de discrimination. Sans grandes phrases, ni rien. Jamais de culpabilisation entre ces pages, le droit à l’erreur existe. La beauté, enfin, se retrouve dans de vieilles mains toute fripées. C’est un peu l’anti Shreck, dans lequel ok, on peut s’aimer malgré les différences, à condition d’être pareil-les ( c’est encore à la femme de s’adapter. Dommage !). Et c’est tellement drôle qu’on assimile tout sans y penser. Parfois je me dis que c’est sans doute la meilleure façon de faire les choses : naturellement, pour que ça semble terriblement logique. On ne peux pas encore s’en contenter, malheureusement.
« Quand vous lirez ce parchemin, je serai déjà loin et n’essayez pas de me courir après, j’ai piégé le chemin. »
Un petit mot sur l’amour pour terminer. Si elle est bien loin d’être le principal sujet et n’est jamais directement mentionnée, si enfin elle n’est pas le but final de la vie de Scarole, la tendresse est bien là, sous une forme très subtile, sans phrase clichée. Et la dernière page tournée… on n’en revient toujours pas.
Comme quoi, quand le fait qu’une princesse soit maitresse de son destin ne surprend pas, on se dit qu’il y a du chemin parcouru, finalement.
Princesse, dragon et autres Salades, Marie Vaudescal et Magali Le Huche. Folio Cadet, Gallimard Jeunesse.
En moins abouti mais intéressant quand même : Trois Princesses et patati et patata, des mêmes auteures, dans la même collection, où un prince se fait kidnapper.
Ps.:
A suivre: P’tit Garçon, P’tite Fille, P’tit Héros