Nelle est un album malheureusement un peu difficile à trouver.
L’histoire nous propose de suivre pendant une semaine Ellen, sa rencontre avec Nelle, sa découverte de la forêt. A gauche, un texte simple à mesure que les jours sont égrainés. A droite, une illustration aux couleur douces, répondant directement au texte au début, glissant progressivement dans la métaphore par la suite.
Ellen se lève un matin, seule dans la grande maison de sa tante. Imitant des enfants aperçus sur une vieille photo, elle tente de lancer un cerceau dans le jardin. Mais elle en perd le contrôle et est entrainée au delà de son foyer, à la rencontre de Nelle, petite habitante de la forêt. Jour après jour Ellen accumule les découvertes à mesure que son amitié pour Nelle grandit, jusqu’ à un pacte d’ union scellé pour l’éternité.
Nelle est une histoire difficile à raconter, pleine de poésie et de mélancolie, de solitude. Elle est intéressante pour le sujet qui nous occupe pour de nombreuses raisons. D’une part, Ellen vit en dehors du cadre des adultes. Elle évolue hors de l’univers parental, suit sa propre voie qui la conduit hors de son foyer. Elle quitte donc la place dévolue à l’enfant, à fortiori à la fillette. D’autre part, la découverte de son/ses désirs, en fonction de l’interprétation faite par le lecteur, se fait en toute autonomie.
Ellen pleure doucement. Nelle lui caresse délicatement les cheveux. « Moi aussi je me sentais seule. Longtemps, je t’ai cherchée. »
Car Sophie nous fait don d’une histoire interprétable à l’infini, à mesure que l’on lit et relit, à mesure que l’on grandit. Ellen trouve en Nelle son alter ego, une fillette qui vit à l’extérieur, discute avec les corbeaux (on est loin des rossignols et hirondelles habituelles), dort avec les ours. Chacune de ses anecdotes reflète un rêve d’Ellen, voire un élément de sa vie. Les vêtements s’échangent et les cheveux se nouent, les mains se joignent. Ellen, à travers Nelle, se découvre et finit par assumer ses désirs en s’unissant à elle à jamais.
Qu’ elle soit amie imaginaire pour tromper la solitude, réelle petite fille sauvage, alter égo ou encore amoureuse, Nelle est la révélatrice du besoin de liberté d’Ellen. La petite fille découvre sa propre identité jusque-là endormie, calfeutrée, comme elle l’était peut être elle-même dans son foyer. Lorsqu’elle est avec Nelle, la nature l’entoure et occupe l’espace, là où la table blanche la guidait vers le vide et l’absence. Et si le retour des parents s’annonce dans la joie, la fillette ne quitte pas son amie, sa part d’elle même révélée, sa soif de liberté. Elle est désormais passée de l’autre côté du miroir.
Nelle, Sophie. Pastel, l’école des Loisirs, 1998.