Le benêt, la tourte et le connard

Gantz est une oeuvre de Hiroya Oku,  publiée pour la première fois en france  en 2002.

.

Encore en cours de publication (33 tomes à ce jour), cette série bénéficie de plusieurs adaptations cinématographiques, dont l’une ne serait pas à la « hauteur du chef d’oeuvre papier »(1).

Mêlant trames classiques et décors/colo informatique/s, ce manga sombre doté d’une « atmosphère indicible des plus mystérieuses »(2)  fait le bonheur de plusieurs générations d’admirateurs.

Dont je ne fais pas partie.

Car j’ai un gros problème avec Gantz.

Gantz (chez Tonkam), c’est ça:

 

Plantons le décors pour ceux qui n’ont pas eu l’indicible honneur de parcourir la chose.

Après une expérience les ayant à priori conduit à leur décès, des gens (dont une forte majorité d’ado/jeunes hommes) sont téléportés en l’état dans une pièce. Au centre de cette dernière ce trouve une mystérieuse sphère noire, qui  les enjoint à combattre diverses créatures. Ce afin de gagner les points qui leur permettront de sortir de ce qu’on pourrait appeler un jeu de télé réalité post-mortem. Diverses personnes se succèderont dans la pièce, chacune ayant franchit les portes de l’au delà dans des circonstances diverses.  Mais les choses s’avèrent en fait bien plus compliquées qu’il n’y parait…

 

Précision: tout ce qui va suivre est issu de la lecture des seuls 7 premiers volumes. D’une part parce que  cette série a tellement de succès qu’il est difficile de se procurer les tomes en bibliothèque, d’autre part parce qu’ aller plus loin m’aurait contraint à chercher ma bassine spéciale cuite du samedi soir. Donc, peut être, qui sait, que les 26 tomes suivants invalideront les premiers et dans ce cas je m’empresserais de poster erratum et excuses nécessaires. Mais franchement, pour avoir quand même feuilleté les autres,  ça m’étonnerait. Et si je déteste les dessins,  ils ne sont absolument pas cause de mon irrépressible envie de noyer le bouquin dans les toilettes.  Il y a beaucoup d’histoires qu’on se met à aimer malgré le style, et bien souvent on finit par apprivoiser ce style et à l’aimer quand même. Et pour ma défense, si j’ai tenu 7 tomes, c’est parce qu’effectivement l’histoire est intrigante et les créatures vraiment originales. Et aussi parce que je voulais savoir si c’était  homophobe en plus d’être misogyne et diablement crétin . Points qu’il me reste à ce jour à éclaircir.

Sans plus attendre, les personnages.

Le héros, Kei, est un adolescent torturé par sa libido. C’est le connard de notre histoire,un égoïste prétentieux et un poil pathétique. Il semble que cela soit une volonté de l’auteur. Comme donc c’est assumé, on se dit que ça changera sans doute par la suite après moultes péripéties digne d’un roman d’apprentissage hard-core. Le jeune homme ne pense donc qu’a coucher-se battre-être-le-meilleur. Il est aussi exceptionnellement laid.

Son pote, Masaru, l’admire en secret (hmhm). Fort et puissant, c’est  une brute-mais-je-suis-gentil-avec-les-faibles (comprendre les femmes, les enfants, les vieux et les gros). Il est doté d’un sens proprement chevaleresque de la morale (ce n’est pas un compliment) et d’une conception de la femme relativement opposé à celle de Kei (quoique nous verrons que pas tant que ça). C’est le benêt de notre histoire.

Enfin, une créature de sexe féminin (comprendre, dépourvue de pénis) complète ce qui sera notre trio d’aventuriers.  Tremblottante, c’est au bout de deux ou trois chapitres qu’elle fera son apparition , nue et sans connaissance. Elle s’appelle Kei (et oui).

Fort heureusement, cette apparition ne sera pas trop perturbante pour le lecteur. Grâce aux illustrations entre chapitres, il aura en effet pu déterminer la taille de son bonnet avant même de la rencontrer.

 

Comme ça:

 

C’est donc direct que tout déraille. Kei ayant la fâcheuse manie d’apparaître à poil, tous les mâles des environs se mettent à palpiter. Arrive donc la scène typique: les yakuzas du coin décide de lui apprendre, pour voir. Sauf qu’évidemment, Masaru est là pour veiller au grain et dissuade les vilains voyous. Galant qu’il est, il jette élégamment sa veste à la face de Kei. Car lui même ne sait pas s’il « pourra se retenir très longtemps ». Quelle classe.

Le héros quant à lui à trouvé le but de sa vie: fricoter avec  la miss, quoi qu’il en coûte.

Inutile de préciser que Kei (celle qui n’a pas de pénis) passera une grande partie  des combats à se cacher (mais bon, c’est parce que Masaru lui dit que c’est mieux pour elle), trembler, et  supplier qu’on fasse quelque chose. Une superbe phrase lâchée par un petit voyou résume finalement très bien le petit sentiment qu’on a, là, tout au fond de nous: « t’as qu’à le faire toi même, connasse ».  Sûr que si Masaru avait entendu, il lui aurait mis un soufflet, à ce goujat. Mais bon.

 

« Allez vous cacher pendant que nous, les hommes, nous allons nous battre. »

 

Sinon, lorsque nos héros peuvent se reposer entre deux sessions de pilonnage de monstre, Kei erre dans les rues en fantasmant vaguement sur le grand benêt avant de finalement toquer chez le connard pour qu’il, je cite, « l’adopte », parce qu’un animal de compagnie « on ne couche pas avec ». Argument imparable de Kei-mâle: « ouais, mais ça se caresse ». cqfd.

Heureusement que parfois, il y a les cosplay de Lara Croft. Car Kei-mâle, frustré au point de SANGLOTER  parce qu’il ne parvient pas à ses fins autrement que par l’acte de  pelotage sus-cité, fait la rencontre d’un tel personnage. Sakuraoka Sei, c’est son nom, sera touchée par les larmes du jeune homme, qui lui demandera entre deux filets de morves de « le laisser coucher » avec elle.Et elle accepte. Une femme qui assume sa sexualité sans complexe/une fétichiste des nez crottés dans les mangas, c’est assez rare, donc on se réjouit.  Sauf que. Un peu plus tard, dans des circonstances tragiques, Kei-mâle lui confie qu’il voulait coucher avec elle parce que ben…. il voulait coucher, quoi. Lara va t elle lui mettre une tarte, lui rire au nez (« je suis pas stupide non plus, tête de con »), l’achever pour lui faire payer? Non. Elle va

 

« faire de [son] mieux pour qu’un jour, tu finisse par m’aimer »(3)

 

 

Voilà voilà.

On remarque au passage que Lara (qui elle se bat depuis le début) voit sa force décuplée par son désir de combler l’Homme.

Ce ne sont que quelques petites anecdotes, pour une grande oeuvre « sombre et mystérieuse ».

Et je crois que je n’ai pas besoin de m’étendre sur le fait qu’il est particulièrement perturbant de lire des bouquins qui contiennent une illustration de nana à poils entre chaque chapitre.

 

 

Il faut admettre que les seins de Kei sont réalistes. L’auteur trouve le moyen de la coller dans toutes les positions imaginables: ses seins sont tellement énormes qu’ils lui descendent jusqu’au nombrils et/ou lui dégoulines sur le visage (si si). Quand il n’a plus d’idée, il fait subir le même sort à de futurs personnages féminins qu’on ne connait pas encore (le corps avant la tête !) ou qui n’existeront tout simplement pas. ( Attention, je n’ai aucun problème avec le corps féminins, j’adore les plans culottes quand ils sont bien faits , et je ne suis pas systématiquement gênée par l’exagération mammaire, ni par les tétons saillants (je pourrais écrire une thèse sur la représentation des seins dans Berserk. Du moins jusqu’au tome 18. Bref.)).

Chez Hiroya Oku, le calcul est simple:

femelle= corps (devant derrière sur le côté la tête en bas en diagonale de travers en culotte sans culotte…..)+ pleures + dévotion+soumission+corps+baise+ fragile+corps +baise+corps+corps.

 

Mention spéciale en passant au jeune homme traqué par une stalker  qui, une fois qu’il a découvert qu’elle  était « plutôt jolie en fait », ne trouve plus ça effrayant du tout.

 

Pourquoi Gantz est tellement apprécié et encensé, pourquoi les lecteurs ne se rendent compte de rien (mais c’est peut être là qu’est mon erreur…) ça , c’est un mystère.

Finalement, une simple case peut résumer tout ce qui dégouline ouvertement de cette « oeuvre magistrale ».

 

Comme quoi dans Gantz, si Masaru est le manche à balais, la femme est la serpillière.

 

 

 à suivre: les éditions Fleurus

 

1: une revue de cinéma que j’aime assez, donc je ne vais pas balancer

2: un article par un auteur aussi objectif que moi sur wikipédia

3: c’est en fait pire que ça, puisque  Sakuraoka Sei ne l’affirme pas, mais lui pose la question en bafouillant: « si je le bats, est-ce que tu crois que tu m’aimeras un peu? »

 

 

9 commentaires

  1. Excellent! En effet Gantz est le manga type, fait pour assouvir les lubriques en mal d’affection, où les femmes ne sont que prétexte au désir sexuel, ça se saurai si une femme ça pouvait réfléchir ;p J’ai pourtant apprécier lire cette histoire sombre, mais le concept femme cloche bonne qu’a assouvir ses instincts et ennemis dont on ne sait rien, mais faut les tuer « parce qu’on nous dit le faire » m’a fait lâcher l’affaire.
    Un manga qui appuie sur les manettes des instincts primaires (pulsion sexuel , la survie avant tout, désir d’immortalité et j’en passe) l’auteur le fait parce que ça marche, il est pas là pour éclairer l’humanité u__u!
    Je m’abonne, hâte de lire d’autres articles 🙂

    1. C’est exactement ça ! Et oui, on se prend au jeu, mais jusqu’à l’écoeurement… ce n’est pas la première bd à user de ce genre de ficelles pour attirer le public, mais là… Les instincts primaires, oui oui oui !! Et autant dans certaines oeuvres c’est l’occasion de vouloir dire certaines choses autant là, ça sent la petite branlette coupable et le mépris véritable… un grand merci pour ta participation ! 🙂

  2. J’avais lu un article dans un magazine à propos de ce manga, un long article qui empilait les critiques élogieuses sur ce manga, louant son intrigue complexe, ses personnages pas manichéens pour un sous et les dessins très travaillés…
    Je me suis dis que j’allais y jeter un œil, pour voir…mais en fait non. Tu m’as découragé. Je finirais peut-être par aller voir, histoire de me faire mon propre avis, mais ton article, et ce qu’il dénonce, a de quoi révulser.

    (j’ai horreur des gens qui donnent des conseils de lecture totalement évidente en commentaires mais bon, c’est ma première visite ici, soyons fou) Death Note de Tsugumi Ôba. (En fait, je connais deux œuvres de ce bon
    monsieur, et j’appuie doublement sur le bouton Misogyne)
    Dans ce manga à l’intrigue par ailleurs très réfléchie et au dessin agréable, les femmes sont de vraies gourdes, se font tuer, se font manipuler, utiliser, ou sont juste là pour montrer la supériorité de l’Homme, alors que le reste du cast est très intelligent, voire plus.

    1. C’est aussi pour ça que j’ai lu Gantz, pour toutes ces critiques élogieuses qui sont pour certaines justifiées, mais qui ne suffisent pas à contrebalancer le reste (ce serait quand même trop facile). Je trouve finalement assez frustrant qu’aucun critique officiel n’en fasse mention à ma connaissance. Il existe pourtant beaucoup de bons mangas ou les personnages féminins ont une réelle consistance.
      J’ai commencé Death Note il y a un moment et je m’étais finalement lassée assez vite (peut être à cause de tout le tapage autours), tu me donnes envie de m’y replonger sous un autre prisme…et peut être qu’il serait temps que je me mette à Bakuman. Je suis de toute façon très friande de conseils lecture donc surtout n’hésite pas ! Et merci pour ta participation !

      1. Alors, j’ai enfin lu Gantz, enfin, le tome un, avec ta critique en tête et…j’avoue qu’il y a une grande part de vrai dans tout ce que tu as dis ! Dès la première page, le décor est planté : le héros est en train de mater une nana en bikini dans un magazine, qui prend toute la page dans le manga !

        Bon, après, que le héros soit un connard…après avoir lu Death note, justement, j’étais blasée. Bon, ok, c’est un connard.
        J’ai bien aimé le moment où son ancien pote le reconnait et lui demande de l’aide sur le rail du métro, parce que d’un, « Bien fait pour ta gueule !!! » et de deux, ça me rappelle mes cours de psycho; exemple : une personne assiste à une agression; si la victime appelle seulement à l’aide, le témoin ne viendra pas vous aider, mais si la victime le montre du doigt en disant « Vous, venez m’aider, appelez la police, n’importe quoi ! », il y a plus de chance qu’il réponde, car il se sentira responsable. C’est en rapport avec la diffusion de la responsabilité; plus il y a de témoins, moins les gens se sentent impliqués, car ils se disent souvent que Quelqu’un va intervenir, donc inutile de prendre les devants.

        Oops. Hm. Pardon, j’aime bien papoter de mes cours, parce que je trouve ça intéressant, mais tout le monde ne partage pas forcément mon avis ^^’

        Donc, Gantz : on sent le manga qui ne va pas lésiner sur les détails bien gores/trash. Morve, sang, vomi, entrailles, tout y passe. Le pire, c’est de voir ça, et de ne pas être si choqué. Alors que parfois, c’est limite photographique dans la précision des détails. Mais bon, j’imagine que c’est à cause du monde dans lequel on vit.

        J’en viens au moment qui intéresse tout le monde : la nana qui apparaît à poil.
        Comme elle se matérialise bout par bout (un peu comme dans ce film, Le 5ème élément…), on peut bieeeeen détailler ses formes, et d’ailleurs, elle atterrit direct les jambes écartées, histoire qu’on voit les recoins les plus intimes.
        Gênant.

        Ensuite, hop, tentative de viol direct, hein…alors je ne sais pas si c’est juste affreusement réaliste ou drôlement surréaliste. Hop, j’te prend par le bras, je t’entraîne dehors devant tout le monde, et ni vu ni connu j’t’embrouille…

        Des touches d’humour, cependant : Le héros qui se prend le tiroir à armes dans la figure, et les allusions gays entre le héros et son manche à bal….pardon, pote bon samaritain. Quoi, comment ça c’est moi qui voit le « mâle » partout ? Noooon, attendez attendez : « J’ai toujours voulu devenir comme toi, c’était mon but dans la vie, tu étais si fort, si agile, si… »…….hého, depuis quand une personne normale, qu’elle soit garçon ou fille, va dire franco à une autre ce genre de chose ?
        Je ne sais pas, j’ai l’air hypocrite si je dis que pour moi, ça manque un peu de pudeur ? C’pas naturel, toutes ces choses…

        Mais finalement, ce qui m’a le plus choqué, ce n’était pas les obsessions sexuels du héros, le comportement abject des personnages, les pages de chapitres qui n’ont rien à voir avec une atmosphère sombre et qui décrédibilise totalement le récit…
        Non. Ce qui m’a vraiment choqué, c’est le moment où ils assassinent la petite créature au comportement assez enfantin et inoffensif, et qu’une créature plus grande apparaît et pleure. Pour moi, il s’agit d’un père pleurant son enfant, et c’est cette scène qui m’a le plus touché, de tout le manga.

        (Bakuman est un crachat au visage des femmes. Citation du premier tome : « Il est toujours préférable pour une fille d’être sérieuse en classe, mais mieux vaut qu’elle ne soit pas « trop » sérieuse. Cela peut nuire à sa beauté »
        Si tout le reste de mon commentaire n’était qu’une diatribe enflammée après la lecture de Gantz, cette parenthèse aura pour mérite, je pense, de te donner envie de lire Bakuman pour hurler d’horreur.)

        1. Un très grand merci pour ton avis, et je suis d’accord à 100%. Bien sûr beaucoup reste de la banale provoc gratuite, mais ça reste abjecte. Et pourtant considéré comme un grand classique incontournable. UN peu trop facile pourtant de jouer le couplet de la cruauté et du machisme, dont on n’a pourtant besoin ni en ce moment ni jamais. Bakuman est sur ma liste: depuis ton précédent commentaire, tu m’a motivée !

Leave a Comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.