La princesse qui n’aimait pas les princes

On reste un petit peu dans la thématique, version gros éditeur, avec ce ptit bouquinou que j’ai  déniché par hasard :

 

« Il était une fois, dans un beau et paisible royaume, une jolie princesse qui réussit un jour une superbe mayonnaise. »

Au regard des talents culinaires nouvellement acquis de la jeune fille, il apparait  à tous (conseillers ministres, cuisiniers, garagistes, et le roi bien sûr, des hommes donc) qu’il est temps de la marier. Le roi se saisit donc de sa plume et expédie moultes missives. Princes d’à côté, d’un peu plus loin, d’encore plus loin, nul ne parvient à conquérir le cœur de sa fille. Une dernière solution s’offre alors au monarque : contacter madame la Fée, qu’elle règle le sort de la princesse une bonne fois pour toute .

En page de droite et donc seule face au vide, la princesse angoisse à l’idée, en définitive, d’un mariage forcé.

Ce qu’on peut dire déjà, c’est que La princesse qui n’aimait pas les princes est très drôle. Alice Brière-Haquet se joue des codes du conte et ajoute une pincée d’auto-dérision sympathique qui rappelle l’humour de Marie Vaudescal en un peu moins débridé. En plus, c’est joli à lire, ça sonne comme un poème ou une petite chansonnette. Les illustrations de Lionel Larchevêque sont toutes péchues, et bourrées de références rigolotes aux princes de la littérature, du cinéma et de la vraie vie qu’il doit être fort sympathique de dénicher avec un-e moustique-tte. Elles ne manquent pas non plus de détails amusants à observer (le soin différent apporté à la correspondance du roi en fonction des destinataires, par exemple). A pleine page ou entrecoupant le texte, elles en disent un peu plus sur le fond de cette histoire.

La princesse les vit arriver au petit matin, ces princes d’un peu plus loin. En file sur le chemin, un à un, ils baisèrent sa main.

La première chose , et c’est loin d’être anodin, les princes qui se présentent ne sont pas repoussés en fonction de leur physique. Tous  sont différents, élégants ou non, jeunes ou non, et semblent pratiquer toutes sortes d’activités. Ils ne sont pas repoussés pour ce qu’ils sont et en cela, Alice Brière-Haquet n’infantilise pas les désirs profonds de sa princesse pour placer son rejet sur un tout autre registre. Seule une maladresse sert de prétexte pour signifier ses refus successifs. Une maladresse toujours dirigée vers de précieux objets ou un perroquet légués/ confié par une certaine tante Zoé…

« mille et une histoires » , voilà qui rappelle une autre princesse…

Arrive le moment tant redouté. le roi  fait appelle à la fée, insistant encore sur la gentillesse, la douceur et la beauté de sa fille adorée. On récure le royaume, on nettoie les grenouilles et on arrose les citrouilles. Les princes peaufinent leurs arguments pour obtenir quelques faveurs, sans plus s’occuper de notre princesse. La fée répond  à l’appel, fidèle à sa profession, et débarque tout en licorne, cheveux au vent, fleurs et papillons virevoltant dans son sillage. Et contre toute attente, elle arbore un petit côté fashion, un côté moderne qui tranche avec le dress code médiéval du coin… Tous s’accrochent, tous supplient, mais la fée avance, avec ses petites ailes de plumes, droit vers la princesse.

« un drôle de truc se passa »

Et s’en est finit de l’ angoisse, seule face au vide  sur la page de droite. C’est tournée vers la gauche et face à la fée que notre princesse est plongée dans l’ émoi.

 

Aller, avouez. Vous aussi vous avez toujours espéré que la princesse elle se fasse la malle avec la fée.

C’est chose faite avec La princesse qui n’aimait pas les princes. Notre princesse s’envole avec sa fée et son chat « s’installer dans le pays d’ à côté ».  « Le miracle est arrivé », non sans faire tomber le sceptre du roi et sourire le portrait de tante Zoé. Décédée, tante Zoé ? Peut être simplement partie elle aussi pour le pays d’à côté, transmettant à la princesse un seul véritable héritage, la liberté.

Il ne me reste plus que deux points d’interrogations. Le premier concernant la mention « elles ne purent pas vraiment se marier, et pour faire des bébés, ce fut un peu plus compliqué… », peut être un peu piégeante dans la mesure où ces deux étapes de la vie doivent rester des choix et non des passages obligatoires pour les femmes. Elle reste néanmoins jolie et assez juste, et sans doute nécessaire lorsque l’on souhaite jouer avec les codes du conte traditionnel.  Le second concerne la dernière image, dans laquelle la princesse jette sa couronne et la fée sa baguette.  Il semble évident que l’intention est de symboliser le rejet des normes et  rôles imposés pour vivre sa vie. En espérant simplement que ce ne soit pas au détriment d’une autre morale contesque qui aurait pu être sympathique également : aimer sa fée tout en restant soi même.

La princesse qui n’ aimait pas les princes, d’ Alice Brière-Haquet , illustré par Lionel Larchevèque chez Actes Sud Junior.

A suivre: La princesse invisible, ou la somme de tout ce qui m’énerve dans les pseudo contes d ‘émancipation, dans une certaine mesure (voilà qui est énigmatique !).

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