Minute n°8 : les formidables aventures de Madame Budum Enceinte ®

 

Je sais, je sais, sortir budum de ses cendres juste pour râler, ça commence à bien faire. Les braises sont toujours là, mais j’ai encore besoin de temps pour souffler un p’tit coup dessus et repartir de plus belle.

Et puis il faut dire qu’il y a quelques mois, j’ai fait la connaissance d’une personne que par commodité et surtout égard à son maternel anonymat, nous allons désigner sous le charmant sobriquet de madame Budum. C’était ça, ou la mention « les prénoms ont été changés », comme dans les revues super hype d’investigation de ouf.  Et c’est qu’elle à beaucoup à nous raconter, madame Budum.

Figurez-vous.

Il s’avère que Madame Budum attend, ô joie,  une pitchoume (tiens, ne serait-ce pas là un indice sur la prononciation du titre de ce blog ?  Ca c’est une exclusivité.) La voilà donc aspirée, ballotée, tourmentée par la fameuse spirale de la Fâmme Absolue, de la Féminité enfin Accomplie, de l’Epanouissement personnel et émotionnel (et Féminin) total. Elle qui avait bêtement l’impression d’avoir choisi une rue ni mieux ni moins bien famée qu’une autre, elle s’en trouve fort circonspecte. Elle décide donc, sagement ou non (chacun-e en jugera), de faire un petit pas en dehors de cette mare de plénitude gestationnelle et de profiter tranquillement de sa nouvelle vie.

Mais elle n’est pas à l’abri pour autant….

Car c’est sans compter sur toute la production imprimée. Envoyée directement chez elle, glanée de ci de là, imposée par les structures hospitalières ou régionales bref, du papier et encore du papier.  Du papier certes pas totalement inutile, nous en convenons tout à fait Madame Budum et moi.

Super Little Pink Princess

Bien sûr il y a les plus attendus: les catalogues  avec du rose et du bleu, des fringues arborant des slogans plus ou moins inspirés (une graine de papa, un soupçon de maman, et me voilà!) et tout ce qu’on peut imaginer en matière de mixité forcenée et de phrases incongrues.

Et puis il y a les revues sponsorisées, celles qui proposent pleins de conseils super utiles, comme de ne pas peindre la chambre en rose ou en bleu avant le 5ème mois de GRossesse. Et où l’on trouve, au détour d’un paragraphe, ce genre de délices:

(…) et vous voilà lancés dans la décoration d’un petit nid douillet pour lui ! (ou pour elle, si c’est une fille!)

Le garçon, le produit de base. La fille, l’éternelle possibilité entre parenthèse. Le truc inattendu mais qui peut quand même vous arriver, mince alors on sait jamais.

On vous explique aussi qu’au cours de votre épanouissement Maternel de Femme Enceinte, il est important, même PRIMORDIAL d’être belle et féminine (ça fait du féminin au carré.). On vous exhorte à vous réjouir d’avoir des gros seins (alors que de toute façon, d’une madame Budum avait déjà des gros seins et de deux, les Madames Budum sans ou avec peu de seins doivent se sentir offensées de constater qu’on considère ça comme forcément triste ou… pas féminin.)

Et puis il y a les fascicules, ceux qui vous engagent à être performante en matière de Grossesse ®. Comme celui-là:

Hi Hi ! Ma GRossesse, je l’ai réussie ! Le-la marmot-te par contre…

Pas de panique, il y en a aussi pour « réussir » son allaitement. C’est bien connu, ça ne dépend que de la volonté de Madame (je parle même pas de la place de l’éventuelle Madame Budum/ Monsieur Budum). Et de son IMC (une donnée qui pourtant ne veut souvent rien dire seule et qui ne cesse heureusement d’être remise en cause, mais reste malheureusement sur-utilisée). Tout ça bien sûr sponsorisé pas diverses entreprises pharmaceutiques. D’ailleurs, les illustrations sont très claires: enceinte oui, mais maigre. On aura donc du dos cassé, des bras et jambes d’allumettes et beaucoup de fashion dans ce goût là :

Madame Budum rêvait d’être grosse, mal habillée et avec des jambes en forme de poteaux. Ben c’est raté.

On ne va pas ratiociner sur les représentations éventuelles du couple: forcément deux (re-forcément,), hétérosexuel, fort  normément mixte si on a de la chance. Notez également la main pourvue d’une bague sur le ventre rebondi (une pub, un fascicule hospitalier, un papier du conseil général):

En bref, madame Budum m’a confié en avoir un peu gros sur la patate, passant sans cesse de l’hilarité à la consternation là où elle voulait simplement être tranquille. Mais voici venir la pièce maitresse, et enfin le véritable lien avec ce lieu de frénésie littéraire.

Le Petit guide pratique du diabète gestationnel

Non mais vraiment, ça méritait un style de paragraphe. Le Petit guide pratique du  diabète gestationnel, c’est ça:

 

Je précise, c’est une chose que Madame Budum a reçu des mains d’une infirmière, dans un hôpital, bien emballé dans une pochette à diabète à pois roses (parce que la maternité, la femme, tout ça.)

Donc déjà, le titre. Vous la sentez la menace? « Pour moi ». Pas pour elle, pour « moi », c’est son devoir et sinon, c’est une mauvaise mère. Pas d’appel au bon sens ou à la simple prudence, au pire au principe de précaution: on commence directement par la mise en pression de la « maman ». Bon, j’avoue, madame Budum m’a pas mal influencée lorsque qu’elle m’a confiée que la première chose qu’on lui à dite, d’entrée comme ça, c’est que la pitchoume allait faire un coma. Ce qui n’est même pas mentionné dans le pire des sites alarmistes de Magicmamansuperfemmemèretopfashionbaby. Les risques disons rationnels, ce sont:  le poids trop élevé du bébé, les œdèmes pour la mère, l’hypoglycémie éventuelle à la naissance…. mais non non, c’est le coma qu’on choisit de balancer au visage de madame Budum, alors que cela a d’autant moins de chance d’arriver que de toute façon, elle les a posées là, ses fesses, dans le service de diabétologie. Donc, forcément, ce titre là je le sens un peu violent.

-Au fait, c’est pas pour vous forcer la main hein, mais faut que je vous dise, votre enfant va tomber dans le coma !
_ Hi hi hi, peu importe, j’ai le fascicule pour réussir ma GRossesse!

Mais poursuivons.

Le narrateur, c’ est Louis, le fils de 6 ans de la maman, atteint d’égocentrisme aigu. Il parle de lui, pour lui, et n’aborde le sujet que par rapport…. à lui. On s’en fout de maman.

Déjà, à titre totalement personnel, ça me chiffonne un poil  que l’enfant garçon parle à la place de la première concernée. Au temps pour l’empathie que c’est censé inspirer.

On explique ensuite en quoi consiste ce type de diabète, les contraintes alimentaires, les tests à effectuer, etc. On passe du temps pour expliquer que ce n’est ni la faute de l’insupportable moutard, ni celle de la Maman. Quand soudain:

Ha. Donc finalement, c’est sa faute en fait…. Et en plus si papa la trouve grosse alors….

C’est insupportable. Et alors qu’on réalise soudain que madame Budum est empétrée dans un Princesse Parfaite pour adulte doublé d’un discours parfaitement sexiste et stupide, c’est l’apothéose:

Imaginez. imaginez-vous, déjà, vous enfoncer une aiguille de la taille d’un ongle de majeur dans le corps. Imaginez vous, en plus, que vous le faites dans votre ventre. Imaginez vous encore en plus le faire alors que vous avez quelqu’un-e dans le dit ventre. Et que la seule façon de ne pas avoir mal, c’est de planter PERPENDICULAIREMENT une aiguille dans une partie… RONDE du corps. Evident pour les infirmier-es, médecins, aide-soignant-es ? Impossible à envisager pour un être humain lambda qui ne connait des aiguilles que ce qu’il a observé dans les laboratoires d’analyses, et qui ne peut, à moins d’avoir des connaissances spécifiques, préjuger de l’épaisseur de sa propre peau et de l’emplacement précis de son éventuel-le habitant-e. Mais non, Maman n’est qu’une douillette, elle n’a même pas le droit de trouver ça dur au début. Rassurant , le guide pratique, et pas du tout culpabilisant.

Ainsi l’infernal mouflet continue de s’auto-congratuler et en profite pour exorter ses parents au bonheur total-épanouie-féminin (en admettant toutefois à demi mot que Maman s’est pas franchement fendu la poire lorsqu’il a bien fallu qu’il arrive sur terre).

Il explique aussi tout ce que les sacrifices et les douilleteries de Maman lui ont permis de faire (respirer, avoir une glycémie classique…) sous forme de liste, histoire de rajouter un petit coup de pression à une hypothétique Madame Budum qui se sent comme une mère atroce avec ses mains qui tremblent sur sa grosse seringue et ses envies de chocolat.

Et tout ça pour quoi? Car Madame Budum m’a confié que quand , lèvres vidées de leur sang, elle a avoué être terrorisée par les piqûres d’insuline qu’on venait de lui prescrire, l’infirmière lui a souri.

Car on ne demande jamais à une femme enceinte de se faire des piqûres dans le ventre. Et on propose aussi un-e infirmier-e à domicile en cas de difficulté avec les injections.

Sûr que le gamin aurait trouvé ça parfaitement lâche, et aurait partagé sa désapprobation avec Papa tout en calculant, sourcils froncés, l’IMC de Maman.

Madame Budum est très fatiguée, et moi très en colère.

« Bah, au moins, j’aurai réussi mon allaitement ! »

 

4 commentaires

  1. Il ne faut pas hésiter à en parler à la personne qui te l’a distribué. C’est pas eux qui sont responsables directement bien sûr, mais si le niveau des « victimes » ne parle pas, l’info n’a aucune chance de remonter.
    Moi j’avais un carnet qui me disait que mon bébé « n’aimait pas » les échographies, et que donc il fallait « penser à lui » pendant que je les passais. WTF.

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