Minute n°10 : ça sent le féminisme marketteux

C’est l’été. Du coup, à la télévision, ya plein de pubs pour des déodorants. Ca ne date pas de ce mois-ci mais bon, vraiment quoi, ça me déprime toutes ses marques qui vous vendent de la défense des femmes. De leur corps, évidemment.

Prenons l’exemple de cette pub qui nous raconte combien notre corps de Fame est spécial, et combien il mérite d’avoir un déodorant digne de toutes ces turpitudes dont on ne parle pas et qui pourtant font tout ce que nous sommes : la maternité et  la gymnastique. Et un peu le travail, quand même, histoire que ce soit pas trop romplonplon non plus. Ou de cette autre qui nous raconte combien on est sûres de nous entre 25 et 30 ans et à moins de 65 kilos. A ce compte là, j’aime autant ce genre de chose : c’est frais, et c’est direct.

Moui moui. Donc on est envahi de pubs pseudo-millitantes qui font semblant de s’opposer au modèle ci-dessus pour nous imposer celui de l’épanouissement par la condition physique et l’Amour, et tout ça pour nous protéger de nous même et de nos si funestes odeurs corporelles.

Après, ça n’est que de la pub, et la pub, elle tourne toujours en boucle, coincée dans ses propres logiques de com et bien vite mise au tapis lors de ses maigres tentatives de mettre de la grosse à l’écran (hoho). Comme la fondation Dove « pour toutes les beautés ». Et parlons-en tiens des fondations, et de celle-ci en particulier:

La marque se lance donc dans la lutte.  Le message est juste et mérite d’être entendu et compris. Il a dû en soulager plus d’une. La publicité, et à travers elle la marque est une médiatrice populaire qui permet une large diffusion de ce type de propos.  Forcément, on ne regardera plus un paquet de sac à ragnagna de la même manière, parce qu’il devient porteur de sens. Et c’est ça, je trouve, qui peut être dérangeant. En achetant cette marque là, on à le sentiment de faire un acte militant, de soutenir une entreprise qui s’engage sur des valeurs justes. On pense faire de la consommation engagée: et c’est de fait du féminisme sponsorisé.

 

Est-ce  « diabolique » ?  Je crois que les enjeux sont tellement imbriqués que ça mérite  un peu de circonspection. Le point positif, c’est que certaines grandes marques on bien compris qu’il se passait quelque chose. C’est le jeu des Majors en musique: on remarque une tendance forte, on se l’approprie pour en faire un phénomène mainstream, à mi-chemin entre la promotion d’un genre et la recherche de profit. Difficile de savoir laquelle des deux équipes pèse le plus lourd dans la balance. Même si le doute n’est pas souvent de la partie.

Ici, on retrouve le même type de neutralisation du message que dans les publicités classiques: des femmes athlétiques, maquillées assez ostensiblement, qui correspondent à l’idée d’épanouissement qui se généralise. Je n’ai évidemment rien contre le sport  ou contre le maquillage, mais je trouve qu’en faire les seuls « symptômes » de libération féminine ne fait rien d’autre que  nous cantonner à l’incontournable et sacro-sainte perfection physique. Belle et sportive, moui. Il y a pourtant des tas d’autres combinaisons possibles, dont celle-ci fait partie. Bref.

Petit entract progressiste.

Il y a donc pour moi un certain petit malaise qui traine ses tout petits  pieds dans ce genre d’initiative. Et ce même s’il ne s’agit pas d’une publicité directe. Se servir d’idées sérieuses pour vendre du produit, c’est  pour moi considérer un mouvement de fond comme une tendance, une mode passagère qu’il est bon d’exploiter pour conquérir une clientèle plus vaste. Flatter la féministe tapie en nous pour gagner des parts de marché. C’est un peu le même genre d’hypocrisie que l’on retrouve dans certains magazines dit féministes, qui passent étrangement beaucoup de temps à préciser combien l’interviewée est belle et épanouie, et l’interviewé serein et charmeur, tout en proposant des photos de nues très courtois et sans âge (notez qu’on parle très rarement d’épanouissement concernant les hommes. Etrange). Mais je digresse (et règle une énième fois mes comptes).

Pourquoi ne pas se lancer carrément dans le conspirationnisme, et supposer que calfeutrer un grand message dans une gangue polie, c’est affadir le féminisme ? Rien de telle que de proposer  un petit bout de militantisme pour faire oublier tout le reste: la promotion d’un corps parfait et stérilisé,  et d’une femme battante et soumise. Ca sent le piège à ourse.

Mais bien sûr et encore une fois, les enjeux et les motivations sont  complexes. Et le message est bien là. On ne peut que s’interroger. Et je pense que c’est sans doute ça le plus important: saluer, peut-être, les initiatives, mais questionner encore et toujours. Questionner sans cesse, à tort ou à raison, quitte à grossir le trait pour mieux comprendre que rien n’est jamais simple quand il s’agit de vivre comme on le mérite.

Et c’est  sur cette conclusion follement philosophique que je vous laisse en compagnie d’Iggy Pop.

 

Un ptit merci à Nine, très proche collaboratrice de Budum

 

 

 

2 commentaires

  1. T’es bête, je pleure à cause de ta dernière phrase c’est malin.
    Bon je sais que ça n’a pas grand’ chose à voir avec l’esprit « général » de Budum principalement axé sur la littérature enfantine maiiiis… puisque tu en parles, ça me plairait bien, moi, un article plus développé aussi sur les magazines féminins justement 🙂 Les horribles, les hypocrites, les un-peu-sincères-mais-bon-faut-pas-déconner, et puis les vraies libérés… 🙂

  2. et puis… femme actuelle \o/ En même temps, les minutes, elles sont faites pour râler, alors…. j’en prends très bonne note, comme d’habitude 🙂

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