Petits points

  •  Loi du 16 Juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse

Article 1

Sont assujetties aux prescriptions de la présente loi toutes les publications périodiques ou non qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux enfants et adolescents.

Sont toutefois exceptées les publications officielles et les publications scolaires soumises au contrôle du ministre de l’éducation nationale.

Article 2

Les publications visées à l’article 1er ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques.

Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse.

Les articles complets sont disponibles  ici 

Les publications sont donc soumises à contrôle par une commission de surveillance. Les éléments honnis sont comme toujours à la fois précis et flous. Comme toute loi, elle donne matière à réfléxion.

 

  • Libraire et production

Lire n’est pas une obligation. Quoi qu’il en soit, pour certain-es la littérature participe à la construction de la pensée et du Soi. Pour d’autres, c’est une source de divertissement, d’apprentissage, de jeu ou de manipulation(s). Quel-les que soit le type de lecteur-rices, parent-es/ grands-parents/tantes-oncles/ ami-e-s, il arrive souvent que face à une production pléthorique et à des titres indiscutablement foireux, une question pointe le bout de son point : les libraires ont-ilelles réellement conscience de ce qu’ilelles vendent ?

L’interrogation est légitime, mais il y a un détail que beaucoup de gens ignorent : le-a libraire est coincé.

La plupart des librairies bénéficient de l’envoi automatique des nouveautés via un système établi entre elles et le diffuseur et/ou l’éditeur-ice. Dans le meilleur des mondes, le-a libraire sélectionne les collections qui l’intéressent et choisi la quantité de titres qu’ilelle souhaite recevoir. Ce système lui permet de ne manquer aucun livre phare. Le-a représentant-e est chargé-e de lui présenter par avance les dits titres pour moduler  les choix préétablis, si nécessaire.

Or l’aspect pratique et la liberté promise par ce système sont en fait parfaitement illusoires : commander trop peu de titres, faire l’impasse sur les succès programmés, refuser les opérations commerciales… c’est réduire la marge accordée par l’éditeur; le-a libraire paiera ses livres plus cher, réduisant sa déjà maigre marge et donc la possibilité  d’investir dans des titres plus difficiles. Sans oublier la pression bien réelle qu’exercent certain-es représentant-es… Vends ma collection , et tais toi.

De plus, confronté-es à une production de plus en plus vaste et formatée, le-a libraire se trouve face à la nécessité de trouver un équilibre entre culture et économie, ce qui s’avère diablement compliqué quand on à un tant soit peu de principes. Combien  d’ horreurs faudra-t-il mettre en place pour financer les véritables livres de fonds  ? Comment concilier commerce et éthique ? Passion et salaire ?  Ses choix lui permettront-ils de conserver ses murs malgré un marché en berne ? De plus en plus de frais ? Aura-t-il l’espace suffisant pour héberger les livres « alimentaires » et ceux pour lesquels son cœur balance ? Peut-il se permettre de chasser de ses rayons ce qui ne correspond pas à ses convictions ?

Il existe encore des libraires qui parviennent à vivre en se détachant de ce système. Mais ils-elles sont rares. Il est très difficile de résister aux pressions exercées par les divers protagonistes du marché du livre. Et encore plus de résister à une direction dépassée ou simplement sourde à la vocation première du métier. Sans compter le manque terrible de temps pour lire.

De là à déclarer le-la libraire innocent de toutes charges, certainement pas. En indépendant, il reste possible d’influencer, de personnaliser son assortiment, de choisir parmi les best-sellers ceux qui en valent la peine, et de réduire progressivement les autres. De jouer sur la mise en place pour attirer l’attention du lecteur de la série phare du moment vers le petit livre obscure juste à côté.

Un petit coup d’œil attentif permet de repérer le style du responsable du rayon jeunesse dans une généraliste. Au-à la lecteur-ice, ensuite, de décider.

 

  • Le prix des Albums ?

Est-il trop bas, trop élevé ? Je propose de rapporter quelques pistes entendues deci delà. Loin de moi l’idée de proposer une analyse économique de la chose (que non que non), mais simplement de proposer quelques pistes de réflexions à infirmer ou non. Je m’attache encore une fois à l’acte d’achat et non à celui d’emprunt, même s’il est important de souligner que le prix est un réel problème pour les bibliothèques, les budgets alloués étant globalement serrés (même insuffisants) lors de la composition ou de l’enrichissement d’un fonds.

A titre d’info, voici un splendide graphique issu du site du SNE :

Concernant les livres illustrés, les romans graphiques, la bande dessinée, etc… il faut  prendre en compte les illustrateurs-ices, coloristes, plasticien-nes, etc…

Voilà qui permet d’avoir une vision globale de ce que représente un prix : il est clair que 15 euros ne signifie pas la même chose pour tout le monde en termes de revenus. A noter aussi que certains formats particuliers appellent des moyens particuliers. Enfin, élément qui a son importance : le secteur jeunesse, globalement, se maintient par rapport à la « crise du livre ».

Petite chose entendue: selon l’expérience d’une libraire-bibliothécaire, certains éditeurs ont drastiquement baissé le prix de leurs albums. Une politique qu’elle dénonce, car elle met en difficulté l’ensemble de la filière. En effet, l’alignement forcé que cela induit fragiliserait les éditeurs plus modestes qui n’ont ni les moyens techniques, ni les moyens financiers de le faire. Ce fait serait, avec la surproduction de titres, un facteur d’uniformisation du marché.

Lorsqu’un-e éditeur-ice veut faire des économies, il-elle se penche souvent sur l’impression . Quand certain-es grignottent la qualité, d’autres, particulièrement les gros-ses éditeur-ices, sollicitent des pays comme la Chine ou la Roumanie. Or, nouer des relations commerciales à l’extérieur, ce n’est pas possible pour tout le monde. Une Maison plus modeste doit souvent conserver ses prix au détriment de l’accessibilité, ou les réduire au détriment de la qualité.

Beaucoup regrettent cette fuite des éditeurs hors de France. On le peut d’autant plus qu’une certaine grande maison s’est justifiée très récemment en déclarant que les imprimeurs français n’étaient pas à la hauteur d’un point de vue qualitatif. Inutile de perdre du temps là-dessus. Ladite maison a largement les moyens de changer de prestataire si le sien est effectivement à la ramasse (on peut aussi se demander dans quelle mesure le géant du bouquin est lui-même responsable de cette possible ramasse). Et surtout, pas besoin d’être un professionnel du livre pour constater qu’à lieux d’impression différents qualité égale, voire majoritairement inférieure quand on compare leurs livres. La page qui se décolle et la fissure de couverture ne sont donc pas là pour les soutenir.

Les craintes exprimées concernant la « fuite » de l’imprimerie à l’étranger (et donc  la baisse des prix  induite) ne sont pas sans fondement. Mais peut être qu’on oublie aussi l’essentiel.

Et les lecteur-trices dans tout ça ? Si l’argument de la qualité peut justifier le prix pour certaines maisons, il ne faut pas oublier que pour les acheteurs potentiels non plus, 15 euros ne signifie pas toujours la même chose.

« oui mais, pour ceux-celles qui n’ont pas les moyens, il y a les brochés. »

Les brochés, ce sont des versions poches des albums, souvent des Best-sellers, regroupés en collection. (Petit Mijade, Lutin pour l’école des Loisir, les albums du Père Castor…) Ils sont l’apanage des gros-ses (je me garde de dire grand-es, car ce n’est pas toujours un terme qui se justifie) éditeur-ices…

Petits, couvertures souples, fichtrement pratiques car transportables, les brochés coûtent de 5 à 7 euros en moyenne. Encore une fois, cela ne signifie pas la même chose pour tout le monde. Alors c’est pratique, certes. Mais qui dit livre rétréci dit aussi illustration rétrécie, voire même, pour certains, supprimée en partie. Au diable la valorisation de l’artiste et l’immersion des enfants.

L’album c’est comme le train. Si tu n’as pas les moyens, tu voyages mal. C’est peut être moins grave pour certains voyages que pour d’autre, et passer sous la barre des dix euros est plutôt appréciable. Cela mérite réflexion quand même.En définitive, on peut louer la baisse des prix comme on peut aussi s’en inquiéter. C’est encore et toujours une question de positionnement. Quel prix pour l’art, quelle valeur accordée à la possession, quelle vie pour un auteur, quelle frontière entre consommation et culture, rentabilité et financement, et surtout quelles possibilités  pour la-le lectrices-teurs quels que soient ses moyens ? Quid des emplois perdus dans le secteur de l’imprimerie française ? En définitive, et comme souvent, c’est tout le système qui interroge, et qu’il faut interpeller.